Bien que cette affirmation soit quelque peu datée, il n'est pas rare d'entendre les détracteurs de Bitcoin parler d'une certaine technologie « Blockchain » qui se cacherait derrière celui-ci. Certains affirment même que cette invention serait plus intéressante que l'œuvre de Satoshi Nakamoto elle-même.
Pourtant, la Blockchain n'est ni une innovation, ni la technologie unique qui se cache derrière Bitcoin. C’est ce que nous allons étudier dans cet article. La Blockchain, qu'est-ce que c’est ?
Quelles sont les origines du terme « Blockchain » ?
Il est important de préciser que l'inventeur de Bitcoin lui-même n’emploie pas ce mot de « Blockchain » dans son White Paper. Au lieu de cela, il parle simplement d'une « chaîne » ou bien d'une « chaîne de preuve de travail ».
L’origine de ce terme semble plutôt remonter à la fin du vingtième siècle. En effet, on le retrouve dans certaines méthodes cryptographiques décrites dès les années 1970. La plupart du temps, il est écrit en deux mots « Block Chain ». Par exemple, ce terme pourrait être inspiré des CBC (Cipher Block Chaining). Un mode d'opération au sein d'un système de chiffrement symétrique qui permet de décrire la manière dont on traite un bloc de données afin de le chiffrer. Bien que certains principes soient communs à ces deux termes, la description actuelle d'une Blockchain est assez éloignée du principe initial des CBC.
Au-delà de la sémantique, si l’on retrace l’origine du concept en lui-même, on peut découvrir que cette méthode de serveur d’horodatage a été décrite pour la première fois au début des années 1990 par les cryptographes Haber et Stornetta. Leur papier est par ailleurs cité dans les références du White Paper de Bitcoin.
Dans tous les cas, que ce soit d’un point de vue sémantique ou au niveau du concept, la Blockchain est loin d’être une innovation des années 2010. Elle existait bien avant l’invention de Bitcoin.
Quelle est la réelle utilité de la Blockchain ?
Aujourd'hui, lorsque l'on parle de Blockchain, on souhaite évoquer le registre des comptes distribué du réseau de paiement Bitcoin. C'est-à-dire la liste des transactions exécutées.
Ce terme décrit ainsi simplement une base de données, en l’occurrence, un registre de transactions, organisée en blocs dans un ordre chronologique. Chaque bloc d'informations inclut l'empreinte numérique du bloc le précédant, afin que la moindre modification dans un bloc passé modifie mécaniquement tous les blocs le suivant.
Cette structure en chaîne de blocs permet uniquement de créer un serveur d'horodatage. Sur Bitcoin, elle est associée à la preuve de travail (Proof-of-Work). Grâce à l'utilisation conjointe de ces deux mécanismes, il devient impossible de modifier le registre des transactions sans déployer une puissance de calcul phénoménale. La Blockchain seule n’est donc pas très utile. Elle doit être utilisée avec d’autres technologies. Ainsi, sur Bitcoin, elle ne constitue qu'un rouage du protocole. Elle est certes indispensable, mais elle ne représente absolument pas Bitcoin au global.
Sur ce dernier, la Blockchain permet simplement à tous les utilisateurs, représentés par les nœuds, de s’assurer de l’absence d’une transaction dans le système. C’est ce mécanisme qui permet entre autres d’éviter la double dépense.
« Pour nos fins, la transaction effectuée le plus tôt est celle qui compte, ainsi nous ne prêtons pas attention aux tentatives suivantes de double-dépense. Le seul moyen pour confirmer l’absence d’une transaction est d’être au courant de toutes les transactions. Dans le modèle d’un émetteur central de monnaie, ce dernier était au courant de toutes les transactions et décidait qui arrivait en premier. Pour accomplir pareille tâche sans un tiers de confiance, les transactions doivent être annoncées publiquement, et nous avons besoin d’un système pour les participants pour s’accorder sur une histoire unique de l’ordre dans lequel elles furent reçues. Le bénéficiaire a besoin de la preuve qu’au moment de chaque transaction, la majorité des nœuds était d’accord qu’elle était la première reçue. »
- Satoshi Nakamoto, à propos du serveur d’horodatage, aujourd'hui appelé « Blockchain », dans le White Paper de Bitcoin, 2008.
Certains attribuent maladroitement des caractéristiques de décentralisation ou d’immuabilité à tout ce que l'on nomme « Blockchain ». C'est évidemment un non-sens. Ce que l'on appelle « Blockchain » ne peut représenter qu'un registre, c'est-à-dire une base de données. L'immuabilité de celle-ci ne dépend que du bon vouloir de l'entité qui en a la gestion.
Dans le cas de Bitcoin, ce registre est distribué. Le droit d'écriture, autrement dit le droit d'inscrire une transaction Bitcoin au sein de celle-ci, ne repose pas sur une autorité centrale. Au lieu de cela, c'est le consensus de Nakamoto par preuve de travail qui permet de donner le droit d'ajouter un bloc à la chaîne, et qui assure également l'immuabilité des blocs passés.
➤ En savoir plus sur le Consensus de Nakamoto par preuve de travail.
Certes, la chaîne de bloc de Bitcoin est immuable et distribuée, mais toute Blockchain ne l'est pas forcément. Il est très important de comprendre cela. L'innovation apportée par Satoshi Nakamoto est donc bien le système de monnaie électronique pair-à-pair, à savoir Bitcoin dans son intégralité, mais pas uniquement la Blockchain.
Pourquoi le terme de Blockchain a-t-il émergé ?
Nous avons pu comprendre dans la partie précédente que le serveur d’horodatage seul, familièrement nommé « Blockchain », n’est ni une innovation, ni une technologie en soi. Pourtant, encore aujourd’hui, ce terme est employé par de nombreuses personnes pour décrire tout autre chose. Ce mythe s’explique sûrement par deux phénomènes distincts : le besoin vital d’actions marketing pour les altcoins, et la recherche de poncifs pour les détracteurs de Bitcoin.
Tout d'abord, il y a évidemment une utilité marketing à l'usage de ce mot. Expliquer que l'innovation vient de la Blockchain, et non de Bitcoin, a permis d'ouvrir une voie royale aux altcoins. Les différentes cryptomonnaies qui prolifèrent sur les places de marché ont pu utiliser cette ruse marketing pour tromper nombre de nouveaux entrants. Ce mot sonne anglais et il parait complexe à comprendre : on a ici le combo gagnant pour avoir un mot technologique à la mode (Buzzword). Toutefois, comme vous avez pu le découvrir dans la partie précédente, la véritable Blockchain n'est rien de plus qu'une façon de garder une trace des transactions passées, au sein d’un serveur d’horodatage. Cela n’a rien d’innovant, ni de compliqué.
Ensuite, les différents détracteurs de Bitcoin ont vu en ce terme un angle d'attaque parfait. Avec ce simple mot, il est dorénavant possible de critiquer Bitcoin sans pour autant paraître démodé. Il suffit alors d'expliquer que Bitcoin ne sert à rien, mais que la technologie Blockchain est géniale. Hélas, comme vous avez pu l'apprendre dans cet article, il n'en est rien.
Ces deux stratégies, appliquées sur des individus n'ayant pas cherché à comprendre le vrai fonctionnement de Bitcoin, nous expliquent peut-être pourquoi tant de personnes croient encore à cette fiction aujourd'hui.
Conclusion
La Blockchain n’est absolument pas apparue avec Bitcoin. On retrouve de nombreux écrits scientifiques évoquant autant le terme que le concept entre les années 1970 et 2000.
La Blockchain n’est pas une technologie au global, mais simplement une façon d’enregistrer de l'information et de l’organiser chronologiquement. Elle est bien utilisée au sein du protocole Bitcoin, cependant, c’est uniquement une petite pièce de l’horlogerie complexe que représente ce système de cash électronique.
L’émergence de ce mot et la confusion autour de celui-ci s’expliquent sûrement par un besoin marketing pour certains acteurs, et une nécessité d’avoir une issue pour d’autres.
La Blockchain seule n’est pas une innovation. La réelle innovation, c’est le système Bitcoin dans sa globalité.