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Bienvenue dans le septième épisode des interviews “Comprendre Bitcoin” de Bitstack, l'émission qui décrypte l’univers du Bitcoin dans un langage simple, clair, accessible à tous.
Alexandre Roubaud, cofondateur et CEO de Bitstack, a eu le plaisir d’accueillir Alexandre Stachtchenko, spécialiste reconnu des enjeux liés à Bitcoin et aux cryptomonnaies. Co-fondateur de Blockchain Partner, il a récemment occupé la position de Directeur blockchain & cryptos chez KPMG, l’un des quatre cabinets de conseil les plus influents au monde.
Dans cet épisode :
➜ Bitcoin ne sert à rien
➜ Bitcoin n’est que spéculation
➜ Bitcoin est mauvais pour l’environnement
➜ Bitcoin n’a pas d'intérêt, longue vie aux MNBCs (monnaies numériques de banques centrales)
Bon visionnage, et n'oubliez pas de vous abonner à la chaîne YouTube de Bitstack !
C'est un poncif qui est très intéressant et qui est challengeant parce que souvent, quand quelqu'un dit “c'est inutile”, il a déjà son avis. Donc le débat est un peu biaisé dès le départ. Mais quelqu'un qui ne comprend pas l'utilité, déjà, on a une discussion plus intéressante.
Quand je suis arrivé dans la communauté Bitcoin et crypto, on avait un orientation soit très technique, soit très libertarienne, voire anarchiste. Donc en fait, on avait un côté “à quoi sert Bitcoin”, et la réponse presque spontanée d'une personne moyenne de l'écosystème, c'était “en gros ça résout le problème des généraux byzantins”... Bon, tout le monde s’en fout du problème des généraux byzantins, sauf les gens qui connaissent le problème des généraux byzantins en informatique.Donc ça ne parlait pas à une personne lambda. Et de manière générale, Blockchain France, on s'était positionnés en disant : en fait, nous, on ne vient pas de ce monde-là, on n'est pas techniciens, mais en même temps ça nous intéresse beaucoup, on est technophiles, on voit qu'il y a un intérêt technologique, donc en fait ça va être à nous de faire le pont entre des gens qui acceptent de nous parler parce que, en gros, on a fait la bonne école, on est plutôt commerce, etc, on comprend leur façon de fonctionner, et une communauté qui au départ a été d'ailleurs très méfiante quand on est arrivés. Je me souviens que moi on me disait “ouais c'est le fils de banquier qui arrive”, ce qui n'est même pas vrai. Mais c'est juste parce qu'il avait une forme d'hostilité. Qu'est ce qu'ils viennent faire là ? Ils ne sont pas techniciens, il n'y a pas d'intérêt, qu'est-ce qui se passe ?
On a réussi à discuter avec tout le monde et on a réussi à faire le pont pour essayer de parler de la proposition de valeur de Bitcoin à des gens qui n'étaient pas forcément exposés ou pour qui les premiers généraux byzantins, c'est pas ce qui les empêche de dormir le soir.
Et donc pourquoi je vous fais tout ce préambule ? Parce qu'en fait, quand on se met dans les chaussures d'une personne qui arrive avec un petit peu de curiosité intellectuelle, mais qui n'a pas de prédisposition particulière pour comprendre à quoi sert Bitcoin, l'erreur que vont commettre la plupart des gens dans le milieu Bitcoin, c'est de répondre à la question. Alors pourquoi c'est une erreur ? Parce que, en fait, Bitcoin est utile à mesure qu'il répond au problème qu'il vise à répondre, et donc, également, à mesure que la personne à qui vous parlez est exposée à ce problème-là.
Typiquement, si je dis “la voiture c'est inutile” et “la voiture c'est inutile en tant que parisien qui prend le métro”, c'est pas du tout la même chose. Donc on a besoin de comprendre la situation initiale, sans parler de Bitcoin. Et maintenant, dans la plupart des conférences que je donne, les deux tiers du temps, je ne parle pas de Bitcoin, je parle du problème. Quelle est la situation actuelle ? Peut-être que vous ne la savez pas. Et effectivement, la plupart des gens ne la savent pas. Je me souviens que j'avais fait une conférence avec quelqu'un qui était patron de l'association des TPE ou PME de France ou d'Ile de France, et qui, au bout de deux minutes de conversation, disait “oui, mais derrière l'euro / le dollar, il y a de l'or”. Et en fait ça, les gens ne savent pas que non, c'est pas vrai, il n'y a plus d'or. Ça fait 50 ans qu'il n'y a plus rien derrière l'euro et le dollar. Donc en fait, on a besoin d'expliquer la situation initiale. Et donc cette situation initiale, en fait, elle est compliquée, c'est le moins qu'on puisse dire, mais elle peut se résumer assez rapidement autour de trois points. Le premier, c'est qu'on a un problème autour de la monnaie parce qu'elle a été nationalisée et rendue infinie, notamment au cours du XXᵉ siècle. C'est-à-dire quand on prend un peu de recul sur ce qu’est la monnaie, un sujet éminemment compliqué parce que les économistes ne sont toujours pas d'accord dessus, mais en gros, pendant très longtemps, des siècles, des millénaires, la monnaie c'était de l'or. Puis c'est devenu du papier qui représente de l'or, puis seulement au XXᵉ siècle avec notamment les guerres mondiales, c'est devenu du papier avec rien derrière. Donc ça, c'est un problème parce que ça veut dire qu'on peut décorréler complètement la monnaie de la richesse qu'elle est censée représenter. Donc on se retrouve avec ce qu'on voit aujourd'hui avec de l'inflation, des banques centrales qui impriment de l'argent, et cetera et cetera. Le corollaire de ça, c'est que cette monnaie a été nationalisée. Alors je ne dis pas avec un point de vue péjoratif, c'est-à-dire sans jugement sur le fait qu'on peut nationaliser telle ou telle entreprise, ça peut-être pertinent, pas pertinent. Mais nationaliser au sens où typiquement par exemple, aujourd'hui en tant que France, si on veut faire du commerce avec l'Iran avec lequel on n'a pas d'embargo, on ne peut pas parce que la monnaie utilisée c'est le dollar américain, et que donc du coup la loi américaine s'applique. Ça c'est un problème parce que normalement la monnaie est censée être extrêmement liquide et le plus neutre possible.
Et donc quand on s'aperçoit que la monnaie du commerce international est en très grande majorité la monnaie d'un Etat en particulier, je ne suis pas le seul à m'en plaindre entre guillemets, je cite souvent De Gaulle qui était un grand avocat de l'étalon or, de revenir à l'or, justement lui, pour lui, c'était un problème de souveraineté.En fait, si la France ne peut pas choisir avec qui elle commerce parce que pour commercer elle doit demander l'autorisation des États-Unis, pn a un problème de souveraineté. Donc ça, c'est le premier problème.
Le deuxième problème, il est très spécifique, et justement Bitcoin y répond pas mal, c'est qu'on a eu vers la fin du XXᵉ siècle, la numérisation, l'informatique, et l'informatique a un problème majeur, c'est qu'il ne sait pas gérer la rareté. Quelque chose qui existe dans le monde numérique n'est pas rare, on peut en créer des tonnes de copies. Et donc ça, c'est super pour l'information, les réseaux sociaux, les médias, tout ce qu'on veut. Mais dès qu'il s'agit de gérer de la valeur, on comprend bien que si tout le monde a la clé du camion et peut créer autant de valeur qu'il le souhaite. En fait, ça n'a plus beaucoup de sens.
Donc comment on a pallié ce problème-là de l'informatique ? Parce qu'en fait on avait le dilemme “soit on laisse l'industrie financière hors de l'informatique et on fait pendant que tout le reste de la société évolue, on en reste avec des chèques et des billets physiques”, donc la mondialisation serait extrêmement freinée, “soit on passe quand même dans le numérique, mais il faut trouver une façon de pallier ce problème-là”. Et cette façon de pallier ce problème-là on l'a trouvé avec la bancarisation. C'est-à-dire que quand on bancarise quelqu'un, en fait on transforme ses actifs en créances. Et ça, des créances, ça peut se suivre sur un registre. On peut très bien transformer l'actif en information “je te dois tant”. Et donc ça, c'est ce qui explique un chiffre que je cite souvent. Dans les années 60 en France, il n’y a pas si longtemps que ça, il y a 60 ans, il y avait à peine 6 millions de comptes bancaires pour presque 50 millions de Français. Aujourd'hui, le taux de bancarisation est de 99 %. Les seuls qui n'ont pas de compte bancaire, ce sont les interdits bancaires en gros. Ceux qui devraient en avoir un mais sont interdits pour différentes raisons. Et c'est même plus que ça, c'est que légalement pour toucher son salaire au dessus de 1 500 €, il faut un compte bancaire, pour par exemple postuler pour prendre un appartement en règle générale on va demander des coordonnées bancaires, etc. Donc la bancarisation est presque devenue un non-sujet. Il faut avoir un compte en banque pour être sociabilisé dans la vie en société. Donc ça, c'est vraiment un changement presque anthropologique parce que ça fait 3000 ans que gérer son argent, c'est en fait ce qu'on retrouve dans des expressions du quotidien, sous le matelas, dans le bas de laine, chez soi, dans des coffres et cetera, et d'un seul coup, en l'espace de deux générations, avoir son argent ça veut dire un login / mot de passe sur un compte bancaire qui est géré par un tiers.
Et donc ça, en soi, on pourrait dire que si on a l'alternative de le faire ou ne pas le faire, ce n'est pas un drame, d'ailleurs les banques n'existent pas que depuis le XXᵉ siècle, ça fait un certain temps que ça existe, mais là où ça devient problématique, c'est quand on n'a pas le choix. Ce qui est le cas aujourd'hui. Et quand on n'a pas le choix, ça crée plein de problèmes majeurs, et notamment parmi ces problèmes, on l'a vu notamment avec la crise de 2008, c'est que les banques deviennent un peu “too big to fail”. C'est-à-dire qu'à partir du moment où on est obligés d'avoir des banques pour participer à la vie en société, à la vie financière, ces banques ont un pouvoir presque de chantage de dire “mais moi, si je fais faillite, j'emporte toute l'économie avec moi, donc je ne peux plus faire faillite, donc il faut que l'Etat me sauve”. Et vous n'avez pas le choix en fait, c'est du chantage. Ça, on peut considérer que c'est délétère pour la compétitivité, pour la concurrence, pour l'économie de marché, pour la vie en société car même de manière démocratique, c’est pas super d'avoir des gens qui décident si vous avez le droit d’avoir de l’argent ou pas. Donc ça c'est un problème en soi.
Troisième problème, c'est un corollaire qui est très rapide, mais c'est qu'à partir du moment où vous intermédiez, vous avez perdu la vie privée puisque quelqu'un évidemment peut regarder ce qu’il se passe au milieu. Aujourd'hui, il y a une petite ambiance qui flotte dans la démocratie, pas que française, qui est un peu un côté “si vous n’avez rien à cacher, alors c'est pas grave”. C’est une phrase absolument terrible d'un point de vue des libertés fondamentales. Donc non, on rappelle que la vie privée et la confidentialité, c'est un droit fondamental dans la Constitution, dans la déclaration des droits de l'homme, dans tout ce qu'on veut. Parce que sans vie privée, il n'y a pas de Voltaire, il n'y a pas de George Sand, il n'y a pas d'Orwell, etc. La vie privée c'est important pour les lanceurs d'alertes, pour les minorités, pour plein de gens. Et donc cette cette vie privée-là, elle disparaît presque complètement avec l'intermédiation nécessaire. Au point que maintenant, si vous payez en cash, vous êtes louche. J'irais un cran plus loin puisque c'est un dispositif qui existe dans la loi française, c'est qu'il y a une présomption de culpabilité, ce qui est quand même pas fréquent en droit puisque normalement la présomption d'innocence est quand même censée être le cœur du droit. Mais si on ouvre votre boîte à gants et qu'on trouve 5 000 € en cash, vous êtes présumé coupable. Qu'est ce que ça fout là ? Pourquoi vous n'êtes pas sur un compte bancaire ? Donc ça, c'est assez grave parce que ça change notre rapport au droit, notre rapport à la société, c'est “vous n’avez rien à cacher, alors pourquoi est-ce que vous voulez cacher quelque chose ?”. Et ça, c'est terrible. Donc ce problème-là d'intermédiation qui crée ce problème de confidentialité, crée aussi un problème de société autour de la confidentialité, et justement du droit à préserver des choses dans sa vie privée, le jardin secret, mettre des rideaux... et Bitcoin essaie aussi de répondre à ce problème-là.
Donc les trois problèmes à la suite (monnaies nationales et illimitées, intermédiation, confidentialité), ça c'est le problème, et c'est pour ça que moi je passe deux tiers du temps là-dessus. Parce qu'en fait c'est un problème qui est majeur, la monnaie est partout dans notre économie, elle est autour de nous, on s'en sert tous les jours, on fait des paiements avec, on mesure l'économie avec de la monnaie, on compte en euros, en dollars, donc elle est absolument partout. Et elle a trois problèmes majeurs fondamentaux. Si on n'est pas exposés à ces problèmes, si on est français, moyen, bancarisés avec des virements SEPA qui fonctionnent bien et des paiements sans contact à l'épicerie du coin, effectivement, quand Bitcoin arrive et dit “en fait moi je ne suis pas national, je suis limité donc je limite l'inflation. Je préserve la confidentialité et vous pouvez utiliser son compte bancaire”, en tant que personne qui est déjà bancarisée, pour laquelle ça se passe très bien et qui a une monnaie qui fait partie des quelque deux ou trois quatre monnaies qui sont “stables”, en fait, on a du mal à la voir la proposition de valeur. Mais, si on dézoome, et bien en fait 90 % de l’humanité ne vit pas du tout ça. Et ce sont des gens pour lesquels c'est particulièrement utile de pouvoir se dire, et c'est ce qui se passe en Argentine en ce moment est assez éloquent là dessus, c'est que même sans parler de Bitcoin, la raison pour laquelle le nouveau président élu veut dollariser le pays, c'est que le peso argentin fait n'importe quoi. 140 % d'inflation, personne ne croit que ce truc va un jour marcher à nouveau et donc vous ne pouvez pas créer une économie sur la base d'une monnaie qui perd de sa valeur tous les jours. Le Venezuela est un exemple encore pire avec son million de pourcents d'inflation. C'est à peu près la moitié de l'humanité qui vit avec plus de 10 % d'inflation, ce qui se traduit par “perte de la moitié de votre patrimoine tous les cinq ans”. C'est comme ça qu'il faut l'entendre. Donc sur la question sur l'utilité de Bitcoin, on est obligés de faire ce préambule là, parce que si vous répondez tout de suite à la question en disant “ça sert à ça, à avoir une monnaie incensurable”, la personne en face va vous répondre parfaitement, naturellement, “je m'en fous, ça ne me concerne pas”. Donc on est obligés de faire ce préambule-là. Et ensuite, “est ce que vous êtes exposé à ce problème là ?”. Si oui, en fait, en réalité, on n'a pas besoin de vous expliquer à quoi ça sert. Le Libanais moyen, le grec moyen, et cetera, il n’y a pas grand monde qui a besoin de leur expliquer à quoi ça sert pour qu'ils s'en emparent. Je cite souvent l'exemple du Nigéria où on est presque à 50 % de la population qui a des crypto parce que là-bas ils ont démonétisé les billets, puis ensuite ils ont dit à la population “désolé, on n'aura pas de nouveaux”. Quand vous prenez ça dans la figure, vous n'avez pas besoin qu'on vous explique à quoi sert Bitcoin. Mais effectivement, pour le Français moyen, il est moins exposé à ça. Mais il a quand même l'utilité potentielle de se dire “OK, moi j'y suis pas exposé, mais si je dézoome, est ce que la vision du monde que je porte est compatible avec le système monétaire actuel ?”. Si vous adhérez au système monétaire actuel, n'achetez pas de bitcoins, ça ne fait pas sens philosophiquement. Mais si vous pensez que ce truc-là a une probabilité non nulle d'échouer, et Yves Choueifaty a une phrase là dessus en disant que, en fait, c'est beaucoup plus facile de comprendre l'antithèse de Bitcoin que sa thèse. L'antithèse de Bitcoin, c'est quoi ? C'est que vous pensez que les banques centrales vont rester orthodoxes de manière durable. Donc si vous pensez que ça n'a pas 100 % de chances d'arriver, vous avez une thèse pour Bitcoin.
Beaucoup de gens disent que Bitcoin est spéculatif... Et oui, Bitcoin est spéculatif, comme tout, c'est le principe d'une économie de marché. Spéculer, ça veut juste dire avoir une vision du futur. Donc n'importe qui qui pense qu'il ne va pas mourir demain, spécule. Ça fait beaucoup de monde.
Donc si demain vous dites “est-ce que je prends le métro ?” ou “est-ce que je prends la voiture ?”, c’est de la spéculation. Et de la même façon on va retrouver cette spéculation sur des produits de première nécessité en spéculant sur le blé, le maïs, le riz ou l'électricité. C’est l'économie de marché. C’est le principe. On va s'appuyer sur les agents économiques pour leur faire confiance en se disant “ils sont peut-être plus pertinents, chacun à leur échelle, pour faire un calcul sur ce qui est intéressant pour eux demain, plutôt qu'un bureau centralisé qui déciderait pour tout le monde de ce qui est bien pour toi ou pas bien pour toi sur une échelle des 20 prochaines années”.Donc l'argument “c'est spéculatif” n'apporte strictement rien au débat. C'est spéculatif, comme le reste. Et donc en fait on est un peu désarmé face à ce truc là parce que ce n'est pas vraiment un argument. Maintenant, les gens qui disent “ce n'est que spéculatif”, c'est pas exactement la même chose parce que ça revient au premier point : c'est que spéculatif, pour vous, si vous n'êtes pas exposé au problème auquel Bitcoin vise à répondre. Oui dans ce cas là, et c'est votre problème, vous faites ce que vous voulez, vous en n'achetez pas et puis voilà, vous arrêtez d'embêter les autres. Mais pour tous ceux qui y voient un intérêt pour eux, ce n'est pas que spéculatif. Même moi, parce que Bitcoin c'est une unité de compte et puis c’est aussi le système de paiement, si je veux envoyer 2 000 € à l'autre bout de la planète en dix minutes un dimanche à 23 h, je ne peux pas le faire avec le système bancaire traditionnel. Donc j'ai une utilité déjà là. Donc ce n'est pas que spéculatif, mais ça peut l'être pour vous si vous n'êtes pas exposé. Il y a vraiment cet aspect exposition personnelle par rapport à un problème auquel on répond. Je réitère que moi, en tant que Parisien du 2ᵉ arrondissement, la voiture est inutile. Ce n'est pas le cas de 60 % des Français pour lesquels ils ne pourraient pas vivre sans voiture. Et Est-ce que je dis du coup au reste du monde que la voiture ne sert à rien ? Non, ce n’est pas du tout la même chose.
En fait c'est un peu la perversion du système monétaire actuel qu'est le système dit “Fiat”, puisque Fiat veut dire “ainsi soit-il”, parce que justement, il n'y a rien derrière la monnaie. Donc, en gros, c’est “le système ainsi soit-il”. Et quand vous y croyez, ça fonctionne.Pourquoi c'est pervers ? Parce à partir du moment dans l'ADN de ce système là, on vise l'inflation, et encore une fois, ce n’est pas un bug, c'est une feature, c'est une fonctionnalité, puisque la mission des banques centrales si elles font bien leur travail, ce qui n’est pas le cas depuis un certain temps, mais supposons qu'elles fassent bien leur travail, le but est de perdre 2 % de pouvoir d'achat tous les ans. Pourquoi c'est vicieux comme ADN ? Parce que ce que ça veut dire, c'est que, en tant qu’agent économique, à chaque fois que je reçois de l'argent, j'ai le choix entre consommer, investir ou épargner. Dans un système où la monnaie perd du pouvoir d'achat tous les ans, l'alternative de l'épargne n'existe plus. Parce que épargner, c'est juste perdre de l'argent.
D'où l'analogie du glacier qui fond. C'est l'expression qu'avait utilisée Michael Saylor quand il s'était adressé à ses actionnaires. Il avait dit “Ma trésorerie en dollars, j'ai l'impression de voir un glaçon qui fond”, ce qui est vrai. Il perd de l'argent tous les ans s’il fait rien.Mais en même temps, je réitère que d'un point de vue de la théorie économique, c'est voulu. Pourquoi ? Parce que la consommation, c'est du PIB. Donc il faut la faire croître.
Consommer, votre intérêt c’est qu’il y a pas un plaisir, vous faites quelque chose, une activité, …, en tout cas vous le transformez en expérience.Investir, vous pariez sur le futur. Vous voulez récupérer plus demain. Vous prenez un risque, mais au moins vous en faites quelque chose de cet argent. Accessoirement, investir, c'est que quelqu'un d'autre consomme à votre place. Vous allez par exemple investir dans une entreprise qui va payer les salariés qui eux mêmes vont se retrouver avec le même dilemme de “est-ce que je consomme ou est-ce que j’investis ou j’épargne”.
Mais si on me dit qu’il ne se passe rien sur la troisième voie, c'est-à-dire “si tu stockes 100 €, dans dix ans, tu pourras acheter 100 €”. En fait, moi, le calcul économique que je vais faire en schématisant pour simplifier le raisonnement, c'est que en gros je vais consommer pour ce que j'estime être nécessaire (manger, dormir, boire, voir des amis, chacun fait son estimation de ce qu'il estime nécessaire), et ensuite il va me rester un trop, sans le meilleur des cas, puisqu’effectivement il y a des gens qui n'ont pas de “trop” et c'est donc plus difficile évidemment, mais pour toutes les personnes qui ont un petit plus qui dépasse, ils ont le choix entre investir et épargner, ce qui n'est pas la même chose.
Investir, ça veut dire quoi ? Ça veut dire “je prends un risque de perte de capital, donc j'attends un rendement”. Donc si je mets de l'argent dans un projet X ou Y, j'attends, parce que je me prive pendant un certain temps de cet argent, que tu me payes. J'attends que demain ou dans un an, dans trois ans, dans cinq ans, je ne récupère pas 100 € mais 105 ou 110 parce que j'ai pris un risque. Mais donc ça veut dire aussi que potentiellement dans cinq ans, j'ai zéro parce que la boite a fait faillite. Donc ça, c'est un risque. Je précise ici que, de mémoire, plus de 80 % des gestionnaires d'actifs dans le monde ne battent pas les indices principaux. Donc dire je veux investir comme particuliers, pourquoi pas, mais il faut le faire sur des sujets que vous connaissez particulièrement. Parce qu’investir, c'est déjà en soi un job à plein temps. Ce que les gens n'ont pas le temps de faire. Vous avez un métier, vous rentrez à 18 h, 19 h, 20 h, vous n'avez pas le temps de vous dire “tiens, avant d'aller voir les enfants ou autre si j'investissais”. Donc en fait, vous êtes devant ce truc-là qui présente un risque en capital et pour lequel il faut être professionnel si vous voulez battre les actifs normaux.
Et vous avez la troisième alternative qui est de dire que si aujourd'hui j'ai cinq projets qui se présentent devant moi et qui me sollicitent mon épargne, mais qu’il n'y en a aucun pour lequel j'estime que le bénéfice-risque vaut le coup, alors j’ai une alternative dans un système où il n'y a pas d'inflation de dire “OK, dans ce cas je ne fais rien de cet argent”.
Pourquoi ? Parce que j'attends une meilleure opportunité. Peut-être que dans deux semaines, un meilleur projet se présentera et lui j’aurai envie de le financer. Ou peut-être que comme le futur est incertain, j'ai envie de me prémunir contre une inondation de ma cave, j'ai envie de me prémunir contre une maladie, contre un aléa de la vie, et donc j'ai besoin de ce matelas là et je n’y touche pas. Mais ça, ce choix-là, malheureusement, à partir du moment où on te dit que dès que tu fais le choix de l'épargne, tu perds 2 % par an quand ça se passe bien, en fait, t'es incité à te dire vas que du coup il ne reste plus que consommer ou investir, parce qu’épargner c’est complètement con. Je ne fais rien avec cet argent et j’en perds. Non seulement je me prive mais en plus je perds. Du coup, je vais faire l’un des deux autres. Une fois qu'il reste l'un des deux autres, qu'est ce que vous faites ? Est ce que vous voulez devenir investisseur professionnel le soir à 22 h chez vous ? Où est-ce que vous voulez consommer ? En règle générale, les gens vont préférer, et c'est parfaitement normal, consommer.
Et donc les implications écologiques de ce que je suis en train de dire sont monstrueuses. Parce que ce que je suis en train de dire, c'est que le système monétaire actuel n'est pas compatible avec l'atteinte des objectifs climatiques puisqu'on a besoin de sobriété. Tout le monde le dit, mais on ne peut pas être sobre. C'est impossible. Dès qu'un agent économique fait le choix de la sobriété, on lui tape dessus. Donc il ne reste plus que la consommation et l'investissement. Donc ça, effectivement, c'est vraiment terrible. Il faut le comprendre du point de vue du système monétaire, parce que ça veut dire que quand on cherche à être épargnant, on ne peut pas, donc on va être obligé de choisir une des deux autres solutions.
Dans la réalité, aujourd'hui, chaque fois qu'on vous vend un produit d'épargne, c'est un paradoxe. C'est une antithèse. Un produit d'épargne qui génère du rendement, ce n'est pas de l'épargne. L'épargne, c'est “je fais rien”, sauf que comme “faire rien” est débile, personne n’épargne. Donc effectivement, épargner dans le langage commun, c'est devenu un synonyme de livret A. Mais le livret A, c’est un investissement. Ça va dans les logements sociaux, ça aide des gens, et cetera, donc il travaille ce capital. Je réitère encore une fois que tout ce que je viens de dire là n'est même pas hétérodoxe. C'est dans la théorie économique dominante. C'est parfaitement voulu parce que de l'argent qui ne fait rien, c'est de l'argent improductif, donc pas de croissance. Donc on ne veut pas que les gens épargnent parce qu'il faut consommer, vous faites travailler quelqu'un, ou il faut investir, vous faites travailler quelqu'un dans le futur, ou en tout cas vous utilisez votre capital pour produire de la richesse.
Alors pourquoi l'idée du curseur est importante ? Parce qu’à chaque fois qu'on monte le curseur vers la punition de l'épargne, en fait, anthropologiquement ce qu'on fait, c'est qu'on décale la préférence temporelle de l'individu. Donc concrètement, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que plus on punit l'épargne, et ça on le voit très bien dans les situations d'hyperinflation qui sont le curseur à l'extrême, c'est-à-dire l'argent que vous économisez, demain ne il vaut plus rien, là c'est vraiment le pire du pire. Qu'est ce qu’il se passe dans les sociétés en hyperinflation ? C'est très simple. J'avais utilisé un article de Bloomberg, au moment où l'inflation est revenue aux États-Unis, qui disait que les Argentins qui connaissent bien l’inflation donnent des conseils aux Américains, et quels étaient ses conseils ? Dépensez votre argent tout de suite ! Alors, c'est contre intuitif parce qu'on se dit “Mais attendez, s'il y a de l'inflation, on peut avoir envie d'épargner parce que la vie est dure”. Pas du tout. Si la règle du jeu économique, c'est que tout ce que vous gardez, demain ne vaut plus rien, voire ce soir ne vaut plus rien… quel est l'intérêt de garder de la monnaie ? Aucun. Donc vous voulez vous en débarrasser le plus vite possible et tout devient mieux. Et quand je dis tout, ça veut dire le restaurant, la chaise, la banane du coin, n'importe quoi est mieux que de la monnaie. Donc en fait, vous allez carrément avoir le curseur monstrueusement orienté sur le court terme. Il faut consommer. Si vous ne consommez pas, vous avez perdu 100 %. Donc c'est débile. Pourquoi se priver pour perdre ? Donc vous consommez.
Donc ce décalage de la préférence temporelle, il est absolument crucial parce que ce que ça veut dire, c'est qu'à l'inverse, moins on punit l'épargne, plus on favorise le fait que les gens voient à long terme parce qu’en fait, on leur dit “le futur est incertain”, donc il faut s'en prémunir. Il faut prévoir, il faut mettre un matelas de côté pour les aléas de la vie dont je parlais tout à l'heure.
Avant le Covid, nous étions dans une situation qui n’avait conceptuellement strictement aucun sens avec par exemple les taux négatifs. Le taux d'intérêt, c'est le prix du temps, c'est le prix du risque futur. Un taux négatif se traduit en langage courant par “demain est plus certain qu'aujourd'hui”, ce qui n'a aucun sens. Ça ne peut pas être le cas. Par définition, aujourd'hui, c'est maintenant. Demain ne peut pas être plus sûr que maintenant. Sauf que c'est la règle du jeu qu'on va donner à tous les agents économiques. C'est que demain est tellement certain, demain est hyper certain, plus que le présent, donc pourquoi vous soucier de demain ? “Consommez, ça ne sert à rien de se faire un matelas”. Donc vous avez décalé la préférence temporelle des gens vers le présent, qui se mettent à consommer, à surconsommer. Et que j'ai besoin d'une huitième machine à café, je ne sais pas pourquoi, et que j'ai besoin d'une quatrième voiture, d'un cinquième iPhone, et cetera et cetera. Tout ça dans une situation où l'épargne n'est pas punie, voire, elle peut-être incitée.
Bitcoin décale le curseur en disant “on arrête de vous punir” (parce que la proposition de valeur de bitcoin est cette quantité de 21 millions qui est limitée, donc il n'y a plus de système inflationniste comme on pourrait l'avoir aujourd'hui) et on décale la préférence temporelle des gens vers le futur. Et donc, forcément, du point de vue de l'environnement, c’est 100 fois plus compatible avec la sobriété de dire “mais en fait, si jamais vous n'avez pas besoin de quelque chose, ça redevient une alternative possible que d'épargner pour demain. Et donc, d'un point de vue de la théorie économique classique, on va retomber dans la peur de l'économiste qui va dire “oui mais si les gens ne consomment pas pour l'économie, c'est terrible, je vais faire baisser le PIB”. Oui, faire baisser le PIB. Mais aujourd'hui, il y a une part des points de croissance que nous faisons tous les ans qui n'ont aucun sens. C'est la blague communiste entre guillemets qui est de dire “est-ce qu’il vaut mieux que quelqu'un creuse un trou et le voisin le rebouche, ou qu'il ne se passe rien”. Sauf que, je remets la variable écologique dans la balance, aujourd'hui c'est pas “quelqu'un creuse un trou où quelqu'un le rebouche, c'est quelqu'un fait tourner un moteur et crache du pétrole toute la journée en le cramant pour creuser un trou, quelqu'un fait exactement la même chose pour le reboucher, et à la fin, on est contents parce qu'on a créé deux emplois”. Et Christine Lagarde l'a dit officiellement parce qu'il y a un certain temps, elle a dit “Je préfère préserver l'emploi à l'épargne”.
Encore une fois, ce n’est même pas hétérodoxe ce que je dis, c'est juste une traduction environnementale de la théorie économique. On préfère préserver l'emploi à l'épargne, c'est tout ce que ça veut dire.
Je vais faire la même remarque que pour la première question, c'est-à-dire qu'il faut comprendre la situation initiale avant de rentrer sur Bitcoin. D'autant que sur Bitcoin, il y a presque un aspect moral dessus. Il y a beaucoup de gens, et je l'ai expérimenté moi même, si on a enlevait le mot bitcoin et qu'on le remplace par “Zoublabla”, on peut faire le même discours et les gens font “Ah ouais, c'est vrai, c'est intéressant”. Par contre, vous dites “Bitcoin”, c'est terminé, “Au revoir ! Non, non, c'est le chaos total, ça détruit la planète huit fois par jour”.Donc il y a vraiment un aléa moral autour du mot bitcoin qui fait que, en fait, je recommande souvent aux gens quand ils ont un débat sur le sujet de l'écologie de l'environnement avec bitcoin, de repousser le plus possible le moment où ils parlent de bitcoin parce que ça clive et il y a des gens qui vont se braquer alors même qu'ils auraient pu être d'accord avec avec la théorie sous-jacente.Et cette théorie sous-jacente, c'est quoi ? C'est tout ce que je viens de dire sur la partie systémique, c'est-à-dire avant de dire “Bitcoin pollue”, peut on parler du système actuel ? Le système actuel ne permet pas systémiquement, structurellement, d'atteindre les objectifs climatiques. Donc moi, je veux bien dire que Bitcoin consomme x térawattheures, mais on a peut-être un plus gros problème, c'est que vous pouvez faire les efforts que vous voulez, ça ne sert à rien parce que si jamais vous vous êtes sobre, on va créer de l'argent pour faire de la croissance fictive. Et j'ai même pas besoin de remonter très loin puisque c'est précisément ce qui s'est passé pendant le Covid. C'est dans l'ADN du système de la monnaie dette puisqu'il meurt sans croissance. Donc on est obligé de l'inventer. Donc on a un sujet qui est 100 fois plus gros que Bitcoin. Et quand on s'inscrit là-dedans, on comprend beaucoup mieux la proposition valeur de Bitcoin en disant “mais si ça consomme 60 térawattheures, mais que ça me permet d'être sobre, c'est-à-dire que 8 milliards de personnes sont capables d'atteindre les objectifs climatiques, hé bien moi je fais le trade-off”. Mais il faut avoir en tête ce qu'on remplace, parce qu'effectivement, si on l'a pas en tête, si on est persuadé que ça n'a pas d'utilité, chaque térawattheure chez Bitcoin est un térawattheure gâché, donc ça consomme trop, donc ça pollue. Mais en fait, la question n'est pas tant que ça autour de l'empreinte environnementale. Beaucoup de gens s'en servent comme un côté très greenwashing. C’est-à-dire “Ohlala ça pollue beaucoup”. Oui, mais la même quantité d'énergie est prise par les sèche-linge aux États-Unis.
Il faut penser à l’équation entre l’utilité ou les bénéfices avec le coût. Et si l'utilité perçue est de zéro, cette équation ne peut pas être positive. Donc en fait, on se bat contre un moulin parce qu'on n'a pas résolu le problème de l'utilité. Bitcoin pourrait consommer un kilowattheure, ce serait déjà trop. Si c'est inutile, c'est trop. C'est d'ailleurs le raisonnement qu'avait tenu Jean-Marc Jancovici dans l'échange que j'ai eu avec lui sur LinkedIn. En gros, il avait relayé un article qui était que les banques s'intéressaient au cryptos, et son argumentaire c’était de dire que comme chaque point de croissance ou chaque activité supplémentaire est corrélée de manière linéaire, ou presque exacte, à une augmentation de la consommation d'énergie, donc des combustibles fossiles, il vaut mieux ne pas commencer. C’était son argumentaire. Il vaut mieux ne pas créer une nouvelle addiction d'un truc qu'on ne saura plus enlever de l'économie, vu qu'on va vers de la sobriété. En fait, les activités qu'on ne fait pas aujourd'hui, autant ne pas les commencer. Mais ça, c'est effectivement si on n'a pas compris le système actuel. Pourquoi c'est important comme sujet la monnaie dans l'écologie ? Et je le disais récemment, je ne comprends pas, dans l'écologie on fait des financements verts, on regarde l'origine des fonds, on fait des fonds RSE, la finance s'est souvent mise au diapason du greenwashing, d'ailleurs, dans les crédits carbone, on en a un bon paquet qui, quand on vérifie 30 secondes ce qui est derrière, c'est pas terrible. Par contre, la monnaie, qui est au centre, tout le monde l’utilise tous les jours, tous les agents économiques, et c’est silence radio. Personne n'en parle.
Il y a un premier volet qui est de dire la monnaie, ça sert à quoi dans la société ? Et systémiquement, est-ce que la proposition de Bitcoin est meilleure ou pire que le système actuel sous le prisme environnemental ? Moi, mon avis sur la question, c'est qu'il n'y a pas photo puisque c'est impossible structurellement de faire de la sobriété dans le système actuel. Donc pour moi, “la question elle est vite répondue” comme on dit.Maintenant, il y a aussi la question derrière, pourquoi les gens disent que ça pollue ? Parce qu’opérationnellement parlant, Bitcoin consomme de l'électricité pour fonctionner. Donc il y a des machines qui tournent, ce qu'on appelle le minage, des machines dédiées qui font des calculs informatiques pour essayer de résoudre une équation qui permet de construire un consensus sur l'état du réseau Bitcoin. Et donc, forcément, derrière, l'image qu'on va avoir de Bitcoin, et les médias s'en donnent à cœur joie, en règle générale on va avoir une image d'un conteneur avec plein de machines qui tournent à côté, si possible d'une centrale à charbon, et cetera, et comme ça, on peut dire “regardez, ça consomme, ça pollue”.Déjà, il y a le chiffre brut, de combien ça consomme, sur lequel il y a du débat. L’ordre de grandeur actuel, il est autour de 60, 70, 80 térawattheures par an. Les médias adorent faire la comparaison par rapport à des pays parce que ça choque de dire “Bitcoin consomme plus que l'Argentine”. On se dit “ouh là là, on a un pays de dizaines de millions d'habitants, consomme moins que Bitcoin pour lequel moi le français moyen, je ne vois aucune utilité, mais c'est un délire environnemental”. Et c'est normal, c'est la réaction qu'on cherche à provoquer. Maintenant, évidemment, la comparaison dans l'autre sens, on ne la fait jamais. J'utilise toujours les deux comparaisons suivantes parce qu'elles sont assez marquantes. La première c’est que cette consommation d’électricité par Bitcoin est inférieure à la consommation des sèche-linges aux seuls États-Unis, donc en gros, cracher de l'air chaud sur une résistance parce qu'on ne veut pas étendre son linge quand on est dans le top 1 % des plus riches de la planète, consomme plus que Bitcoin. C’est peut-être l'occasion de repenser à l'indignation sélective par rapport à quelque chose dont l'utilité sociale, perçue pour 8 milliards de personnes, est nulle. Donc ça, c'est une première chose. La deuxième comparaison que je donne souvent, c'est que si on annualisait la consommation des guirlandes de Noël aux États-Unis, ce serait aussi plus que Bitcoin. Pour faire de la lumière. Et donc là, il y a des gens qui rentrent dans le “oui, mais c'est joli pour les enfants, et cetera”, mais en fait, c'est même pas le débat. Le débat, c'est de dire que ces genres de comparaison ne servent pas à grand chose.
Donc ça c'est sur la partie chiffres bruts. Maintenant, ce qui est intéressant de comprendre avec Bitcoin, c'est que le fonctionnement du minage est très particulier et ça le rend particulièrement intéressant dans certains aspects de la transition énergétique. Pourquoi ? Parce que le minage de Bitcoin, c'est une activité qui est électro-intensive, qui utilise une partie substantielle d'énergie pour fonctionner d'électricité, mais qui a des caractéristiques qu'aucune autre industrie n'a. En l'occurrence, c'est géo-indépendant. C'est-à-dire que peu importe où vous êtes sur la planète, vous minez, vous faites des calculs mathématiques. Ce seront les mêmes en Afrique ou en Asie. Vous n'avez pas besoin d'une connectivité monstrueuse, il vous suffit d'une clé 3G. Vous n'avez pas besoin d'un uptime comme on dit, donc d'une disponibilité de 99 %. À l'inverse, allez mettre un data center pour un site web dans un site isolé, hé bien en fait vous êtes obligé d'avoir un générateur de secours parce que si votre site web tombe et que pendant 3 heures plus personne ne peut accéder à votre service, c'est pas top. Donc en fait, il n'y a que Bitcoin. Si jamais vos machines sont débranchées ou ne fonctionnent pas pendant 2 heures, le réseau Bitcoin continue de tourner.
Donc il additionne un certain nombre de caractéristiques qui font que très souvent, c'est le seul pertinent, la seule industrie pertinente pour aller chercher soit des surplus d'énergie, et les gens ne savent pas que ça existe des surplus d'énergie, donc on en parle après, soit des déchets. Et donc ça, c'est très intéressant parce que les surplus, en réalité, ils viennent avec la transition énergétique parce que transition énergétique = plus de renouvelable, renouvelable = intermittent, et intermittent veut dire qu'on ne produit pas quand on consomme. Donc c'est un peu la malédiction du solaire. Je le dis tout le temps, mais le pic de production du solaire, c'est le zénith, c'est-à-dire le creux de consommation. Et ça tous les jours. Donc structurellement, vous savez que votre solaire produit le max quand la consommation est au minimum. Et ça c'est que le solaire, l'éolien c'est plus diffus sur la journée, mais c'est complètement imprévisible. Le solaire au moins on sait que globalement, il y aura le jour tous les jours. Ce qui est intéressant, c'est quand un endroit comme le Texas, par exemple, là où il y a beaucoup de minage, il y a à peu près deux gigawatts de puissance installée de machines de minage, le réseau électrique du Texas qui s'appelle ERCOT (l'équivalent d’ENEDIS au Texas) se positionne régulièrement en faveur de Bitcoin en disant “en fait on a une bénédiction”. Pourquoi une bénédiction ? Parce que le Texas, ils sont déjà à presque 35 % de renouvelable sur leur mix électrique, donc ils ont certains comtés où, un quart du temps, 1 heure sur quatre, le prix d'électricité est négatif. Donc du point de vue du consommateur, formidable. Sauf que du point de vue du producteur, ça n’a aucun sens. Ça veut dire qu'une heure sur quatre, il doit payer de l'argent pour avoir une activité économique. Donc qu'est ce que ça veut dire concrètement ? Ça veut dire que le déploiement des renouvelables sur le réseau est capé parce que plus personne ne veut s'installer tant que ce problème-là n'est pas résolu. Il n'y a que le minage de Bitcoin qui est capable de dire “moi je me coupe quand l'énergie est trop chère et quand plus personne n'en veut, je me rallume et j'utilise son énergie”.
Donc ça, du point de vue du business model des EnR (énergies renouvelables), c'est exceptionnel. On peut leur garantir qu'ils n’auront plus jamais d'électricité négative. Donc évidemment, ça favorise le déploiement sur le réseau. Donc ça, c'est dans le cas de la gestion des grid électriques. Et ça, le Texas le fait. TEPCO au Japon a dit qu'il le faisait. En Norvège ils en ont aussi parlé, la compagnie d'électricité suédoise en a parlé, et cetera. Donc c'est quelque chose qui commence à devenir accepté, comme ce qu'on appelle un “flexible load”, donc on est capable de le sortir du réseau quand on veut pour équilibrer ce réseau.
Le deuxième sujet est très important aussi, celui des déchets. L'exemple qu'on prend souvent, c'est celui du méthane, un gaz absolument terrible pour l'atmosphère parce qu'il est 80 fois pire que le CO2 à court terme, sur une période de 20 ans, mais le problème de ce méthane-là, c'est qu'il il est produit sur la planète de manière décentralisée. C'est à peu près 35 - 40 % qui vient de l'agriculture, l'élevage bovin surtout, mais vous n’allez pas mettre sur chaque vache un truc pour choper le méthane, vous avez une partie substantielle 30 - 35 % qui provient de l'industrie pétrolière parce que quand on creuse un puits de pétrole, on a un coproduit qui est le gaz, il est là, mais il est en trop faible quantité pour justifier de mettre un gazoduc sur des centaines de kilomètres quand on est au milieu de la Sibérie ou de l'océan, donc on n’en fait rien de ce gaz, c’est un déchet dont on ne sait pas quoi faire, et vous avez une partie qui vient des décharges. Quand on quand on balance déchets, quand on les met dans une déchetterie, dans un site d'enfouissement, par décomposition, ça génère du méthane.
Tous ces sites-là, en fait, ce sont des sites dont personne ne veut. En réalité, personne n'a envie de mettre 400 kilomètres de gazoduc, voire 1000 pour aller chercher du pétrole sur une plate-forme pétrolière. Personne n'a envie d'installer son activité économique en bas d'une décharge. Personne n'a envie d'aller mettre leur captage de méthane sur chaque vache. Donc en fait, on se retrouve avec un problème qui est qu'on a 200 milliards de mètres cubes de méthane par an qui sont soit cramés, donc on n’en fait rien, on les brûle simplement, soit juste laissés s'échapper dans l'atmosphère. 200 milliards de mètres cubes, pour avoir un ordre de comparaison, avec ça, si on le transformait en électricité, ça vous fait 75 % de la consommation annuelle d'électricité de toute l'Union européenne.
Donc c'est monstrueux. Tous les ans on brûle ça, ou on le laisse échapper. Et là, on a un consommateur de dernier ressort qui s'appelle le minage de Bitcoin, qui a une structure de coûts dans son business model qui a 80 % de l'électricité, et donc pour lequel ça justifie de déployer des capitaux pour s'installer à côté de décharges, en bas d'une exploitation agricole, ou bien en bas d'une exploitation pétrolière.
Et quand on factorise tout ce qu'on vient de se dire, le panorama n'est plus du tout le même. C'est-à-dire que, un, c'est une condition nécessaire de changer de système monétaire, sinon on n'y arrivera pas, indépendamment de tout le reste. Deux, d'un point de vue opérationnel, on a quelque chose sans lequel on ne peut pas faire de transition énergétique vers les EnR, parce que c'est le consommateur de dernier ressort, et je précise qu'à l'heure actuelle, pour tous les systèmes qui ont été pensés avant l'émergence du bitcoin, j'ai un exemple en Nouvelle-Zélande où ils sont en train d'envisager de dépenser 100 millions d'euros dans une infrastructure qui permet de balancer l'électricité dans la terre. Donc ça, ce sont les alternatives à l'heure actuelle, concrètement, aujourd'hui, par rapport à l'utiliser pour Bitcoin. Donc c'est évidemment absolument pas rentable et il faut trouver 100 millions d'euros, en général, on va le prendre chez le contribuable. Donc ça c’est sur la partie équilibrage de réseau sur lequel tous ceux qui se sont un peu intéressés au sujet trouvent que c'est une bénédiction. Et en plus, ce que je suis en train de dire sur la dernière partie, c'est qu'on est capable d'ici dix ans de transformer le réseau Bitcoin dans son empreinte carbone en quelque chose qui est net positif. C'est-à-dire qu'il retire plus de méthane de l'atmosphère en le consommant qu'il n'émet de CO2. Donc le panorama est complètement différent et on en vient presque à penser “il faut que Bitcoin consomme plus”, parce que dès qu'il consomme des kilowattheures supplémentaires, ce sont des kilowattheures qu'on est incités à aller chercher pour réduire le méthane dans l'atmosphère. Donc ça, c'est c'est un sujet que j'essaye personnellement de développer, on verra si ça donne quelque chose, mais il y a déjà des mineurs dans le monde qui font ça, qui vont chercher sur des décharges, sur des exploitations pétrolières, parce que eux, encore une fois, avec un kilowattheure au-dessus de 4-5 centimes, ils ne sont plus rentables. Donc ils ne sont jamais en compétition avec le Français moyen qui consomme son énergie à 20 ou 24 centimes le kilowattheure. Si une personne peut vendre son électricité sur le réseau, ça n'a aucun intérêt pour lui de le vendre à un mineur, parce que le mineur ne lui achètera pas à ce prix-là. Donc cette consommation, même si elle est de 70-80 térawattheures, il y en a une proportion extrêmement substantielle qui n'est pas de la production d'électricité en plus, qui est de la consommation de choses dont personne ne veut. Donc en fait, le bilan carbone à la fin est constant.
Donc le panorama de l'environnement, c'est très embêtant parce qu'il est très difficile à déconstruire. Ça prend beaucoup de temps, on échange pendant très longtemps alors que c'est un de ceux qui me renversent le plus parce que quand on connaît le sujet, on se rend compte qu'on voit des mouvements écolos qui sont contre quelque chose qui nous semble nécessaire pour la transition. Donc ce n'est même pas “ils nous embêtent parce qu'ils nous empêchent de déployer notre croissance dans notre activité”, c’est “Ils jouent contre eux mêmes, ils mettent des buts contre leur camp, vous nous empêchez de sortir du méthane de l'atmosphère”. J’investigue ce sujet-là personnellement, je suis obligé de ne pas parler de bitcoin quand je démarche des gens qui ont du méthane en trop. C'est-à-dire que si je leur dis “moi, grâce à Bitcoin, je peux vous permettre de vendre votre méthane en trop avec un bilan carbone exceptionnel, et par exceptionnel, j'entends que sur une décharge de moyenne, je vais avoir 25 fois plus d'impact carbone que le plus gros projet de séquestration de carbone du monde”, donc c'est monstrueux comme impact sur le climat. Mais si je dis “Bitcoin”, terminé. Donc on est tous obligés, et je ne suis pas le seul, tout le monde fait des contorsions. “On est sur du data center flexible et mobile”, “on fait du calcul de haute performance”... mais “cachez ce sein que je ne saurais voir”. On ne peut pas parler de ça et donc c'est extrêmement embêtant comme personne qui a une conviction environnementale forte et qui est dans Bitcoin de voir qu'il a une partie de son camp qui joue contre lui-même, en empêchant des gens d'avancer la transition énergétique. Et donc ça c'est vrai que c'est un des poncifs les plus embêtants, mais qui est aussi le plus long à débunker parce qu'il exige de prendre une hauteur particulière.
En fait, il y a un problème majeur, c'est un problème de définition. C'est-à-dire que personne ne définit les monnaies numériques de banques centrales. Même Christine Lagarde, à chaque fois que vous la voyez sur un plateau en train de parler du sujet, si la question “qu’est-ce que c’est” est posée, on n’a jamais de réponse. Et à la question “quel intérêt ?” elle vous répondra par une contorsion en disant “Voilà la promesse”, ce n’est pas exactement la même réponse.En fait le journaliste de base, normal, va lui dire “mais en fait je comprends pas, mon euro est déjà numérique”. Ce qui est vrai. On fait un virement ou une transaction, il n'y a rien de physique qui circule. La version physique de l'euro, c'est le cash, et ça représente seulement quelques pourcents de la masse monétaire totale. Tout le reste est numérique, c'est déjà numérique. Donc on peut comprendre que les gens disent mais je ne vois pas l'intérêt.L'intérêt dans la proposition de valeur théorique, en tout cas ce qui est proposé, mais moi je pense que techniquement c'est infaisable donc en fait ça ne va pas bien se passer, mais ce que disent les défenseurs des monnaies numérique de banques centrales, déjà il y a est-ce que c'est “de gros” ou pas. “De gros” c'est pas vraiment un sujet politique, c'est de dire on va remplacer Swift, on va faire un meilleur système interbancaire. Bon pourquoi pas, s'il y a des économies d'échelle, tant mieux. Par contre, si on fait une monnaie numérique de banque centrale dite “de détail”, “retail” en anglais, en fait, ça veut dire que la banque centrale souhaite que le citoyen moyen ait accès à de la monnaie banque centrale directement, de façon numérique.
Pourquoi la monnaie banque centrale ? C'est ce qu'on disait juste avant, c'est qu’en réalité, quand aujourd'hui, et c'était un de mes premiers points, je disais “on ne sait pas faire sans intermédiation”, donc l'argent que vous possédez en quasi totalité, sauf l'argent physique, donc sauf votre cash, mais tout le reste, ce n'est pas votre argent, c'est l'argent de la banque, et donc il porte le risque de contrepartie de la banque. Si vous avez un compte à la BNP, Crédit Agricole, peu importe, vous ouvrez votre compte bancaire et que vous voyez 2 000 €, ce ne sont pas 2 000 € qui vous appartiennent, c'est une créance de la banque à votre égard. Et donc ce n'est pas de l'argent banque centrale que vous avez, c'est de l'argent banque commerciale, puisque l'argent aujourd'hui est créé par les banques commerciales au moment du crédit. Donc si vous empruntez pour acheter une maison, l'argent est créé ex-nihilo. Il ne vient pas de quelqu'un d'autre. Une fois qu'on a compris comment ça fonctionnait comme ça, effectivement, la banque centrale dit “moi je souhaiterais revenir dans la boucle, potentiellement désintermédier les banques en fait, je vais retrouver un lien avec le citoyen moyen et il aura l'équivalent du cash, qui est une un passif chez la banque centrale, dans le format numérique”.
Mais le problème c'est que la proposition de valeur est contradictoire et ne tient pas la route. Elle ne tient pas la route techniquement parce qu’aujourd'hui, la seule façon pour créer un actif numérique, c'est-à-dire, qui a les mêmes caractéristiques que le cash, donc incensurable, vie privée préservée (le cash il n’y a pas écrit votre nom dessus) et cetera, et bien ça en fait, la seule façon de faire techniquement qu'on a trouvée depuis l'aube des temps, c'est d'enlever la banque centrale. Ça s’appelle Bitcoin.
Donc a priori, la BCE (Banque centrale européenne) ne va pas s'enlever elle-même, donc elle va rejeter cette solution technique, et donc aujourd'hui, quand on parle d'une solution technique de MNBC, nous n'avons pas la réponse. “Ça fera ça”. “On vous le jure”. Techniquement, je ne sais pas comment ça va marcher, parce que ce n’est pas possible.
Donc comme ce n’est pas possible de le faire en format actif numérique, on va mécaniquement le faire en forme passif numérique, c'est-à-dire gestion de compte, ce qui se passe actuellement pour les banques commerciales, version banque centrale. Et donc vous aurez un compte à la banque centrale, ce qui n'est pas exactement pareil que d'avoir du cash. Parce qu'ici on arrive sur un sujet qui est pas terrible, c'est-à-dire ce qu’il se passe en Chine : le crédit social. Un contrôle politique. Est-ce que vous avez le droit d'utiliser votre argent comme ci comme ça ? Et ça ne relève pas du complotisme dans la mesure où les seuls exemples qu'on a aujourd'hui de MNBC qui sont tentés, je parlais du Nigeria tout à l'heure par exemple, ils ont essayé de le faire, avec un succès pas terrible, une défiance totale de la population, et ils ont déjà mentionné qu'ils allaient faire de la conditionnalité : “Vous ne pourrez dépenser que à Abuja, vous ne pourrez dépenser que dans ces magasins là…”. Donc c'est déjà officiel qu'ils veulent faire comme ça.
Pour certains défenseurs du modèle des monnaies de banque centrale, donc du système Fiat où on crée de l'argent autant qu'on veut, une de leurs critiques du système actuel, c'est que comme c'est très intermédié, l'effectivité des politiques monétaires ne se transmet pas assez bien. C'est-à-dire, en version très caricaturale, ils n'aiment pas le fait que quand la banque centrale crée de l'argent pour stimuler l'économie, elle doit le diffuser par les banques, et que les banques, en fait, dans le tas, il y en a plein qui prennent l'argent, le mettent dans des marchés financiers, elles créent des bulles, et en fait, ça ne profite pas du tout à l'économie réelle. Donc eux, ce qu'ils disent, c'est que s'il y a un lien direct entre la banque centrale et le citoyen, en fait, on peut faire de l'hélicoptère, on peut balancer de l'argent à tout le monde. Ce qui a été fait aux États-Unis, mais en format chèque : le chèque Trump, “tout le monde reçoit 2 000 $”. Formidable. Mais ça, précisément, on ne sait pas le faire en format numérique. C'est pour ça que les gens ont reçu un chèque. Donc là, ils voudraient le faire en format numérique, de manière plus simple. Et donc t'as aussi le concept de monnaie fondante qui vient en arrière, c'est qu'on pourrait très bien dire “voilà 1 000 €, mais s'ils ne sont pas dépensés dans six mois, ça vaut zéro”. Donc ça, c'est encore plus pour te forcer la consommation, parce que je rappelle “consommation, PIB, croissance, activité économique, emploi, et cetera”.Mais le deuxième problème, effectivement, je disais que c’était infaisable techniquement, sauf à en fait rogner sur cette proposition de valeur, à savoir l'anonymat et cetera, dont Christine Lagarde a déjà dit qu'effectivement ce ne serait pas anonyme. Agustin Carstens, qui est le patron de la BRI (Banque des règlements internationaux), qui est la banque centrale des banques centrales, a déjà dit que ce ne serait pas anonyme. Lui, il l'a dit d'une manière encore plus inquiétante, c'est qu'il a dit “la différence avec 1 $ et un pesos en cash, c'est qu'on ne sait pas qu'il utilise, avec une MNBC, on saura parfaitement qui utilise quoi et on pourra imposer / mettre en application les règles”. Il l’a dit très clairement.Ça c’est sur la partie faisabilité technique où du coup on va forcément s'orienter vers un système de tenue de compte, de registres, donc avec un contrôle politique. Et là, la question devient “Par qui ? Qui a la légitimité ?”. Ce n'est pas dans le mandat de la BCE. La BCE, son mandat, c'est la stabilité des prix. Ce n'est pas de dire je veux favoriser telle ou telle activité économique. C'est pas “tiens, l'écologie c'est bien”, “la santé c’est bien”, et puis si on commence ça, pourquoi pas “Est-ce qu'on ne pourrait pas créer de l'argent pour l'école ?”, etc. Et en fait, bon, ça se terminer en hyperinflation en général. Donc ça, c'est le premier point.
Le deuxième point, c'est qu'effectivement c'est paradoxal parce que la banque centrale aujourd'hui, notamment à cause de cette numérisation dont on a parlé aujourd'hui, a créé ces “too big to fail” (trop gros pour tomber). Donc il y a un jeu de “je te tiens par la barbichette”. Les banques commerciales ne veulent pas être désintermédiées. La banque centrale a pris l'habitude de s'appuyer sur les banques commerciales pour diffuser leur politique monétaire, mais aussi pour appliquer les contrôles divers et variés, les fameux KYC (know your customer), “qui êtes vous ?”, “Pourquoi utiliser votre argent ?” et cetera, de la surveillance d'une certaine façon aussi. Et donc en fait, elle est addict. Elle ne peut pas revenir à une situation où en fait c'est la banque centrale qui fait de la tenue de comptes, qui gère l'épargne, qui fait des services financiers, qui agit comme une banque commerciale quoi. Et donc, comme elle ne le veut pas, c'est un peu paradoxal la situation dans laquelle elle est. Et c'est pour ça qu'on a le sujet des limites, des seuils.C'est que effectivement, supposez que demain, à supposer que techniquement ce soit réalisable, vous avez le choix entre un compte à la banque centrale et un compte chez une banque commerciale comme BNP, Crédit Agricole, Société Générale… En tant que personne normalement constituée, vous avez donc deux potentialités d'avoir des euros, disons 500 €, sauf que 500 € chez BNP Paribas et 500 € à la Banque centrale européenne n'ont pas la même valeur. Parce que les 500 € dans le compte BNP Paribas, ils ont un risque que BNP Paribas fasse faillite. Ce qui n'est pas le cas pour la banque centrale qui, dans la théorie économique, ne peut pas faire faillite puisqu'elle peut toujours créer de l'argent pour ne pas faire faillite.
Donc moi, en tant que consommateur moyen, qu'est ce que je fais ? Aucun intérêt à rester chez BNP Paribas, donc je vais sortir tout mon argent de BNP pour aller à la BCE. Sauf que si je fais ça, je crée un bank run (phénomène marqué par des demandes massives et simultanées de retraits d'argent par les clients d'une banque, qui court alors le risque de devenir insolvable). BNP fait faillite. Et donc en fait, on se retrouve dans une situation ubuesque dans laquelle la banque centrale veut désintermédier les banques commerciales qui ne veulent pas être désintermédiées et ont suffisamment avancé “leur prise en otage de l'économie” pour pouvoir faire un chantage en disant “Mais si vous permettez aux gens de détenir autant que vous le souhaitez sur des comptes à la banque centrale, vous tuez le système financier en le rendant instable. Donc il faut limiter ce que les gens peuvent posséder”. Et donc là, le débat, c'est, la Banque centrale européenne a dit “OK, on voit bien votre point, on va mettre des limites à 3 000 €”. Les banques commerciales disent “non, 3000 c'est trop, est-ce que ce ne serait pas 500 € ?”. Donc il y a quand même un débat dans les hautes sphères pour savoir combien vous avez le droit de posséder, ce qui n'est quand même pas terrible d'un point de vue de démocratie et de la liberté privée, mais en tout cas, ce sont les injonctions contradictoires auxquelles amènent les MNBC.
Dans la réalité, ce sujet MNBC, il est très peu lié à Bitcoin techniquement, parce que ce ne sera très probablement pas une blockchain, ça n'a aucun intérêt. Mais par contre, là où ça fait écho particulièrement à Bitcoin et aux stablecoins et aux tentatives type Libra, c'est qu’effectivement, ça agit un peu comme Némésis. c'est-à-dire que vraiment, si on se projette un peu, on a d'une certaine façon un positionnement à prendre en tant que citoyen : “C'est quoi mon futur souhaitable ?”. Je le fais de manière un tout petit peu caricaturale, mais c'est pour expliquer le propos. Est-ce que demain je veux un système proche du crédit social chinois où des pouvoirs publics peuvent décider de si ma monnaie fond, pourquoi j'ai le droit de dépenser ou est ce que je dois dépenser, et cetera, mais “pour votre bien et avec des contrôles”, ou bien un système ouvert comme Bitcoin ?
Et ça, c'est un positionnement que chacun doit avoir. Je le disais tout à l'heure, plein d'économistes disent “non, non, nous on veut pouvoir faire de l’hélicoptère money, on va continuer”. D'autres disent “bah non en fait, là ça commence à dérailler sévère”. Donc ça n'a rien à voir, mais en même temps, ça agit quand même comme Némésis pour dire “les gars, si vous ne choisissez pas Bitcoin, en fait, la probabilité qu'on s'oriente vers là est très forte. Donc même si vous n'aimez pas Bitcoin, peut-être que c'est moins pire que l'autre solution en face vers laquelle on glisse presque irrémédiablement”.
Et je terminerai par ça en disant que, pareil, la référence au crédit social, elle n'est pas complètement innocente dans ma bouche parce que c'est assumé également. Christine Lagarde répète souvent “Nous sommes en retard sur la Chine”, alors que moi ça fait partie des sujets sur lesquels j'aimerais bien qu'on reste en retard sur la Chine. Si on peut rattraper sur l'IA, et cetera, ça me va, mais voilà, sur le crédit social, s'ils peuvent rester devant moi, ça me va très bien.
Bitcoin, ce n'est pas la blockchain. La blockchain existait depuis 40 ans. Ce n'est pas la cryptographie asymétrique, qui existait avant. Ce n'est pas le pair-à-pair, qui existait avant. C'est l'assemblage de tout ça, plus un tout petit truc qu’a rajouté Satoshi Nakamoto : la récompense. C'est le seul ajout de Satoshi qui dit “Je vais prendre des technos qui existent, on va faire un super truc, mais il me manque quelque chose, c'est un intérêt économique aligné pour toutes les parties prenantes”. C'est ce qu'on appelle le consensus de Nakamoto.
C'est ce qui fait qu'à tout moment sur le réseau, n'importe qui, en suivant son intérêt personnel, suit en fait l'intérêt du groupe et c'est ce qui fait que ça fonctionne. Pour moi, Bitcoin est beaucoup plus une innovation économique et sociale qu'une innovation technique. Il n'y a pas grand chose techniquement de nouveau dans Bitcoin. C'est un assemblage de choses qui existaient déjà. Par contre, ce qui est très nouveau, c'est ce qu’il se soit dit “Mais en fait, on va rémunérer les gens”. C'est peut-être plus fiable de s'appuyer sur l'avarice qui est quelque chose qui fonctionne bien dans l'humanité depuis un certain temps que de dire “on espère que les gens vont entretenir le truc”, bien que ça marche dans l'open source, dans le libre, et cetera, mais en tout cas, là, il y avait vraiment ce côté “il y a de l'argent en jeu”, donc s’ils ne l’entretiennent pas, il faut leur donner un petit quelque chose.Donc une fois qu'on sait ça, c'est-à-dire que la seule innovation, c'est qu'on a une rémunération dans un jeton natif. Effectivement, tout le sujet, “on va faire de la blockchain sans crypto” n'a aucun sens. Parce que vous venez de créer une usine à gaz, vous créez un tableau Excel. Vous avez un registre avec des hash qui se suivent, décentralisés mais qui comme il n'y a pas d'intérêt à entretenir le réseau, il va rester décentralisé à peu près deux secondes, et ensuite on va le filer en cloud provider qui va l'entretenir et qu'on va payer. Donc, à la fin, c'est comme la quasi-totalité des blockchain privées, ça termine sur un cloud.
Je cite souvent une phrase du directeur de la partie cloud d'IBM d’il y a quelques années qui disait “pour chaque euro que nous vendons dans la blockchain, on en vend dix dans le cloud”. C'était assumé que c'était leur business model. Le but n'était pas du tout de vendre de la blockchain. Le but, c'était que pour chaque mission blockchain, il vendait du cloud parce qu'il fallait bien les héberger ces nœuds.
Donc tout le sujet Blockchain sans crypto maintenant c’est bon, la poussière commence à retomber. Tout le monde a investi des centaines de millions, il s'est rien passé, donc les gens commencent à se dire qu'il y a peut-être un sujet. Maintenant, il y a effectivement le sujet “dans la crypto, quelles sont les différences ?” Et là, effectivement, moi je suis plutôt du camp de ceux qui disent “il y a Bitcoin et il y a le reste”, mais je ne suis pas du camp de ceux qui disent “il y a bitcoin, le reste c'est nul”. C'est juste que ce n'est pas la même proposition de valeur.
C'est-à-dire que Bitcoin, il y a vraiment ce côté très puriste : on ne connaît pas le fondateur, donc il y a un moyen de pression qui vient de disparaître, il y a eut une “fair distribution”, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu de levée de fonds, il n'y a pas eu d'actionnaires, il y a pas eu de VCs, il y a eu une adoption organique, c’est la première donc il y a un côté “c’est un événement non reproductible”, et c'est la seule qui a presque même dans son ADN ce côté “on ne peut pas faire confiance aux banques centrales”. Presque un projet politique de monnaie.
Quand on lit le livre blanc de Satoshi Nakamoto, l’abstract c’est “Le problème fondamental des monnaies conventionnelles réside dans la confiance qu'elles requièrent pour fonctionner. Il faut faire confiance à la banque centrale pour qu'elle ne dévalorise pas la monnaie, mais l'histoire des monnaies fiduciaires est pleine de manquements à cette confiance”. Il ne commence pas en disant Bitcoin, il dit d'abord “on a un problème, et moi je vous propose une solution”, mais il faut bien expliquer le problème.
Donc effectivement, le problème auquel Bitcoin cherche à répondre est très identifié : monnaie, banque, intermédiation, et cetera et cetera. Et donc ça c'est le projet presque politique pour le Bitcoin, donc ça crée une communauté, donc ça crée des excès, une forme de religiosité parfois, ça crée du toxique, maximalisme, ça crée plein de choses, mais ça crée aussi une adoption organique et une une forme d'appréhension des pouvoirs publics qui se retrouvent avec personne à appeler. C’est comme ce truc qui me fait souvent marrer, c’était la table ronde au Sénat français en 2018, où le sénateur dit “oui, mais alors du coup Bitcoin SAS domicilié à Chypre…”. Il est perdu parce que, pour lui, la question c'est “j'appelle qui ?”, “qui est le responsable de Bitcoin SAS ?”. Et cette question, évidemment, quand tu connais le truc, tu sais que ça n'a pas de sens cette question, il n'y a pas de Bitcoin SAS. C'est un protocole, c'est un ensemble de règles. Il n'y a pas de PDG de HTTP, c’est pareil. Donc c'est ça qui fait que c'est très difficile à saisir. Et donc Bitcoin est une forme de purisme là-dedans parce que comme c'est un actif sans contrepartie, eh bien c'est la seule crypto pour laquelle, quand vous détenez du bitcoin, il n'est la créance de personne, donc ça vous permet d'avoir de la vraie self-custody (de l'auto conservation). Vous avez un bitcoin ? Personne ne vous doit rien et vous ne devez rien à personne. Vous avez votre bitcoin.
C’est la propriété absolue. Après, tout l'enjeu c'est de le faire accepter comme monnaie, car évidemment, si vous avez votre bitcoin tout seul, il a beau être rare, si tout le monde s'en fout, ça ne sert à rien. Donc il y a un aspect social. Et là ça fait quinze ans, tranquillement, organiquement, on prend des millions, des dizaines, centaines de millions de personnes qui l'adoptent. Ça va prendre du temps. Je précise souvent que, par exemple, en France, soutenu par l'ensemble des pouvoirs publics, l'Euro est voté en 92, adopté en 2002, et on peut échanger des francs jusqu'en 2012. Donc quand même 20 ans pour une des zones économiques les plus densément peuplées de la planète, une des plus riches, et cetera. Et Bitcoin, c'est tout seul, sans pub, sans CEO, avec tout le monde qui lui tape dessus en disant “ça sert à rien”... Et au bout de quinze ans, il y a déjà plus d'utilisateurs que l'Euro. Donc c'est quand même pas mal comme échec, non ?
Et les autres cryptos, ce n'est pas du tout politique. C'est financier la plupart du temps. C'est-à-dire que si vous allez dans la DeFi et que vous n'avez pas d'appétence pour l'ingénierie financière, ça va rapidement être compliqué pour vous parce que dans la DeFi, ce sont les produits financiers. Certes plus innovants, plus ouverts, on essaie de réinventer des choses telles que l’hypothecation, de l'emprunt, du prêt lombard etc. Il y a des choses qui sont très intéressantes comme par exemple la jetonisation (tokenisation), le fait de représenter des actifs par un jeton cryptographique. Je ne vois pas comment dans quinze ans il resterait des actifs qui ne seraient pas atomisés, ça ne ferait pas sens. C'est plus rapide, tu peux le posséder en propre, tu peux l'envoyer quand tu veux, et cetera et cetera. Donc il n'y a même pas de questions sur “Pourquoi est-ce que tu ne ne jetoniserait pas quelque chose ?”. Mais ça, ce que je veux dire, c’est que ce n'est pas une proposition politique.
Le problème que je vais résoudre avec un jeton d'action TotalEnergies, c'est l'accessibilité à un sous-jacent qui existe déjà et qui s'appelle l'action TotalÉnergies. Je vais avoir des effets de seuil parce que si j'améliore l'efficacité opérationnelle, l'efficience opérationnelle, je vais peut-être pouvoir introduire en bourse plus d’entreprises, donc démocratiser le capital / l’investissement. C'est un vrai sujet, mais ce n'est pas le même projet que Bitcoin.
C'est un peu pour ça que très souvent, dans les poncifs, quand il y a un côté “les cryptos”, je renverse le truc pour essayer de faire comprendre pourquoi c'est absurde de dire “les cryptos” en disant “est-ce que ça vous arrive dans la vie normale de faire des analyses sur ‘les actifs’ et de mettre dans le même sac l'art, l'immobilier, les actions, les obligations, une voiture, etc, et de dire ‘tout ça, hé bien je vais vous en faire une analyse’”. Ça n’a aucun sens. On ne va pas se mettre à dire “oui, un Picasso, c'est dans le même sac qu'un appartement studio loué à quelqu'un”, ça n'a aucun sens. Mais on se permet de le faire pour les cryptos. Ça n'a aucun sens tant qu'on ne précise pas de laquelle on parle et donc de sa proposition de valeur. Sans ça on ne peut pas s'exprimer dessus. Si on me dit “les cryptos sont un scam”, je réponds “laquelle ?”.
Dans le tas, il y a plein de scams, mais des fraudes, il y en a un paquet dans le monde traditionnel aussi. Si on regarde, Enron, on a pas arrêté de faire de l'énergie après… Donc il y a des fraudes, oui, ça existe, mais c'est juste que ce n'est pas le même sujet. Donc effectivement, il y a vraiment ce côté “il y a Bitcoin et il y a le reste”. On peut faire des analyses sur l'objet, qui est un ovni, qu'est Bitcoin. Tout le monde est perdu en voyant Bitcoin arriver. C'est pas censé marcher ce truc. Ça fait quinze ans que ça doit mourir, ça meurt pas, ça ne veut pas mourir. Donc en fait ce truc vient foutre une claque à tout le monde et tout le monde est obligé de prendre une claque d'humilité avant d'arriver sur bitcoin pour dire “OK, ça me pose des questions. Qu'est ce que ça remet en question dans la façon d'envisager le monde de la finance et la monnaie ? Je pensais que c'était ça et c'est peut-être pas. J’adhère, j’adhère pas, mais ça pose des questions”. Et souvent, on dit qu'un des intérêts principaux de Bitcoin, c'est que ça fait se poser des questions aux gens, qui sinon ne se posent pas vraiment de questions. Le reste, si demain on conserve l'industrie bancaire qui fait de la documentation immobilière, je ne vois pas le drame. Ce sera mieux même. Mais l'immobilier n'a pas été inventé avec, le sous-jacent n'a pas été inventé avec, on aura changé d'infrastructures financières. On aura modernisé les infrastructures financières, on sera passé sur un Internet des banques. C'est formidable, c'est très bien, ce n’est juste pas le même sujet.
La monnaie est un sujet complexe. Depuis 3000 ans qu'on essaie de définir la monnaie, les économistes ne sont toujours pas d'accord. Donc si même les gens qui dédient leur vie sur 3000 ans n'arrivent pas à dire ce qu’est la monnaie, c'est normal qu'une personne dont ce n’est pas le métier ou pas l'intérêt principal n'arrive pas à répondre à la question ou se dise que c'est complexe. Maintenant, il y a plein de sujets qui sont complexes, ce n'est pas pour autant qu'il ne faut pas s'y intéresser, parce que ça a des incidences sur votre vie.
Bitcoin, c’est structurel, c'est systémique. C'est comme si vous jouiez un jeu et qu'on vous dise “Voilà, ça c'est la règle du jeu”. En fait, si vous dites “OK”, que vous l’apprenez et que vous jouez plein de fois au jeu, il va arriver un moment où vous n’allez plus vous demander “pourquoi les règles”, vous allez juste jouer avec les règles. Et en fait la règle est absolument fondamentale, c’est elle qui définit le jeu. Et donc la monnaie fait partie de ces règles-là. C'est-à-dire qu'on va vous dire “OK. Donc la règle de l'économie, c'est que si vous épargnez, je vous tape dessus. Vous faites ce que vous voulez maintenant”. Oui, on peut faire plein de choses avec ces règles-là, mais c'est comme si on veut monter la pente. Si elle fait 20 degrés, c'est plus difficile que si elle en fait un. Donc là, c'est un peu pareil. Est-ce qu'on a une pente qui nous emmène contre notre gré derrière nous ? Et pour moi, c'est mon avis sur le système monétaire actuel, ou est-ce que c'est l’avis d'autres gens de dire “Oui, c'est systémique, mais ça influence pas tant que ça les comportements”. Ça c'est pas mon avis.
Mais en tout cas, effectivement, c'est présent dans nos vies tout le temps, sans qu'on s'en aperçoive. Parce que ça, c'est la règle du jeu, c'est la définition du jeu auquel on joue et donc on finit par ne plus le remettre en question. Je rappelle qu'au moment où le système actuel est arrivé, c'est-à-dire 71 sur la base d'un défaut des Américains, il faut quand même le rappeler, qui ont dit “Non non, on ne vous rendra pas votre or. Maintenant, le dollar, ça vaut 1 $”. Pendant quelques années, le monde s'est retrouvé choqué de dire “mais du coup, il nous faut une alternative, les États-Unis ne sont pas dignes de leur parole”. Mais c'est juste que comme vous n'avez pas d'alternative qui émerge, au bout de trois ans, vous faites “en fait, ça ne marche pas si mal”. Quatre ans, cinq ans, dix ans, 20 ans, puis maintenant c'est pas “ça ne marche pas si mal”, c'est enseigné. “La monnaie, c'est ça”...