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Puisque le bitcoin est une monnaie de nature intangible, sa valeur peut parfois être difficile à percevoir. Certaines personnes pensent alors que, contrairement à d’autres formes de monnaie, le bitcoin ne repose sur rien.
S’il est vrai que le bitcoin ne repose sur aucun actif physique, ce n’est pas pour autant du vent. Comme toute autre forme de monnaie, il est établi sur ses propriétés monétaires intrinsèques. En revanche, là où il se différencie réellement des monnaies fiduciaires, c’est sur la manière dont sont assurées ses propriétés. C’est ce que nous étudions dans ce court article de démystification.
Comme je vous l'expliquais dans un précédent article, la recherche d’un système de cash électronique ne date pas de l’invention de Bitcoin. C’est un travail qui a été entamé dès la fin des années 1970, lorsque les méthodes de cryptographie asymétrique modernes furent inventées. Le premier système de ce domaine de recherche s’appelle « ecash ». Il fut créé par le cryptographe David Chaum en 1982. Ce protocole reposait encore sur des tiers de confiance, puisqu’il fallait que des banques acceptent de représenter de l’argent sur le système ecash.
Ce n’est que partiellement avec b-money (Wei Dai, 1998), puis avec RPOW (Hal Finney, 2004) et BitGold (Nick Szabo, 2005) que l’idée d’interpréter la solution à un problème mathématique comme un objet de valeur est apparue. Évidemment, Bitcoin reprend ce concept qui permet d’apposer une valeur monétaire sur des objets exclusivement numériques.
Si tous ces chercheurs ont souhaité trouver un mécanisme qui permet de décorréler la valeur d’un objet numérique de la valeur de biens tangibles, c’est parce que c’était la seule manière de créer un système pair-à-pair. Autrement dit, il est à priori impossible de créer un système monétaire réellement décentralisé, tout en faisant reposer la valeur de chaque unité sur un bien physique. Satoshi Nakamoto nous explique cela dans un message posté sur le forum P2Pfoundation le 18 février 2009 :
[...] je ne connais aucun moyen pour un logiciel de connaître la valeur réelle des choses.
C’est pour ça que Bitcoin ne repose pas sur un actif physique tel que l’or par exemple. Au lieu de cela, il tire sa valeur de ses propriétés monétaires uniques. Ces caractéristiques sont semblables à celles qui ont historiquement soutenu différentes formes de monnaie.
La première de ces propriétés est évidemment la rareté. Comme certains métaux précieux, qui ont longtemps servi de réserve de valeur en raison de leur rareté naturelle, le bitcoin est également limité en quantité. Le protocole spécifie qu’il n’y aura jamais plus de 21 millions de bitcoins. Il dispose aussi d’autres propriétés qui incitent à son utilisation comme monnaie : sa durabilité, sa portabilité, sa divisibilité ou encore sa fongibilité.
➤ En savoir plus sur les caractéristiques monétaires du bitcoin.
Mais au-delà de ses caractéristiques monétaires, le bitcoin repose assurément sur son protocole. C’est un système qui permet de réaliser des transactions incensurables, privées, irréversibles et à bas frais. Tout cela est permis par sa nature pair-à-pair. Ce sont ses propres utilisateurs qui exécutent et maintiennent le système. En conséquence, et contrairement à des actifs établis sur des entités centrales, les caractéristiques de son protocole et les propriétés de sa monnaie ne peuvent pas être changées sans faire consensus auprès des utilisateurs eux-mêmes.
Finalement, bien que le bitcoin ne repose pas sur un actif physique ou une entité gouvernementale, il repose sur ses propriétés monétaires intrinsèques et sur les caractéristiques uniques de son protocole.
La preuve de travail joue évidemment un rôle essentiel pour assurer les propriétés monétaires de Bitcoin. Le mécanisme de consensus de Nakamoto spécifie que la blockchain qui doit être considérée comme valide, est celle qui dispose du plus de travail accumulé.
En établissant un coût marginal à la multiplication des votes de chaque nœud, la preuve de travail permet entre autres de sécuriser un historique économique. Progressivement, les transactions sont enterrées sous des couches successives de travail. Pour modifier cet historique, il faut être en capacité de refaire tous les calculs. Chaque bloc par-dessus des transactions vient ajouter une nouvelle couche de sécurité, de façon globale et cumulative.
Ce travail est lui-même établi sur une ressource réelle : l’énergie. Le droit de vote sur Bitcoin est fondé sur la puissance de calcul de chaque processeur, alimentée par de l'électricité. Bitcoin repose donc sur un rempart physique, disponible en quantité finie sur Terre, à savoir l’énergie. C’est ce principe qui nous permet de disposer d’un système de monnaie électronique réellement pair-à-pair, sans tiers de confiance, tout en pouvant interpréter une valeur sur ses unités.
Une monnaie fiduciaire est généralement une monnaie émise par un état. Aujourd'hui, la majorité des devises en circulation dans le monde sont des monnaies fiduciaires.
Il est important de comprendre que, contrairement aux monnaies soutenues par des actifs, une monnaie fiduciaire n'est pas garantie par un sous-jacent. Au lieu de cela, elle tire sa valeur de ses propriétés monétaires, elle-même garanties par le gouvernement qui émet cette devise. La valeur d’une monnaie fiduciaire repose donc, in fine, sur la confiance placée par les utilisateurs dans l’état émetteur.
Cependant, les devises fiduciaires présentent des défauts presque naturels. Puisque les gouvernements ont le pouvoir de créer de la monnaie à partir de rien, ils peuvent céder à la tentation d'augmenter la masse monétaire pour financer leurs dépenses. En d’autres termes, ils font tourner la planche à billets. Cette augmentation de l'offre peut entraîner une inflation, voire une hyperinflation si elle n'est pas contrôlée. Cela provoque une dilution progressive de la valeur de chaque unité de monnaie. L’Histoire nous démontre que cette tentation de la création monétaire ex-nihilo est profondément enracinée dans la nature humaine.
Par ailleurs, la stabilité d'une monnaie fiduciaire dépend en grande partie de la confiance des utilisateurs envers le gouvernement émetteur. Cette confiance peut rapidement être perdue en cas de mauvaise gestion économique ou de crise. Les exemples récents du Venezuela, de l'Argentine et de la Turquie, où les monnaies étatiques ont connu une chute soudaine de leur pouvoir d’achat, illustrent bien ce point.
C'est ici que le bitcoin présente une alternative intéressante, puisqu'il ne dépend pas d'une entité centrale pour imposer ses propriétés, notamment au niveau de la rareté de la monnaie.
➤ En savoir plus sur l’utilité de Bitcoin.
Finalement, toute forme de monnaie repose, directement ou indirectement, sur ses propriétés monétaires. Lorsque l’on évoque une monnaie qui repose sur un sous-jacent, ce sont alors les propriétés monétaires du sous-jacent qui font la valeur de cette monnaie.
Le bitcoin ne peut pas reposer sur un actif tangible. C’est justement cette indépendance totale qui permet de se passer de l’intervention d’un tiers de confiance dans le système. Il repose alors uniquement sur ses propriétés monétaires, et sur les caractéristiques de son protocole.
Contrairement aux monnaies fiduciaires, les propriétés du bitcoin sont assurées par les utilisateurs eux-mêmes via divers mécanismes de gouvernance. Dans le cas des monnaies fiduciaires, il faut faire confiance au gouvernement émetteur pour maintenir des propriétés monétaires justes et efficaces. Or, cette confiance n’a cessé d’être bafouée à travers l’Histoire, notamment au travers de la dilution du pouvoir d’achat des devises, à cause de la création monétaire ex-nihilo. C’est pour cela que le bitcoin apparaît comme une alternative évidente aux monnaies fiduciaires, notamment sur le plan de l’épargne de long terme.